Ce corpus présente un aperçu du travail de recherche interdisciplinaire mené pendant trois ans sur les semences potagères; semences acquises à la Société des plantes du Kamouraska. Il fait suite à Curiosités forestières (2016) où je trafiquais la botanique forestière pour créer de nouvelles espèces de plantes d’aspect tout à fait vraisemblable. Ces représentations portaient un regard différent sur la forêt, avec les semences, je m'intéresse à la biodiversité domestique d’aujourd’hui. La semence est plus qu’un objet, elle est un destin. Elle est le lieu d’un devenir, se transformant en une vie unique. On ne peut que voir l’avenir en la regardant. Sa forme, son contenu et son épanouissement relèvent du cosmique.
En plus du numériseur qui me permet d’étudier avec précision et stabilité mes sujets, c’est par la photographie scientifique, avec un microscope électronique à balayage – offrant une vision en relief et une grande profondeur de champ – et un microscope binoculaire que j’ai photographié différents spécimens de semences potagères. Ces mêmes spécimens ont aussi été mis dans des conditions de germination et photographiés au numériseur. Chaque image issue de ces outils est stockée sous forme binaire pour ensuite être traitée.
Ces photographies nous montrent la beauté, je dirais même qu’elles en dévoilent le sublime, entendu dans le sens romantique. Ces graines minuscules sont des objets évolués, sophistiqués, intrigants et elles font écho à notre sensibilité. Cet univers fabuleux aux dimensions cosmiques où l’infiniment petit possède une morphologie unique, composée de microstructures organisées et complexes nous fait perdre tout repère avec le réel.
Cette recherche m’a aussi permis de poursuivre mon exploration des composantes de l’image numérique en générant des transformations dans les datas de ces photographies. Par diverses manipulations, j’ai créé ma propre matière : des données numériques dissimulées que je qualifie
de « pixeldélique ». Ici les semences nous dévoilent leur anatomie secrète et les images numériques font de même. Cette recherche se complète avec une œuvre vidéo où s’amalgame le réel et le virtuel de trois semences.
Ce projet a bénéficié de l’appui du Conseil des arts du Canada, je tiens à le remercier.
Merci aussi pour leur collaboration à messieurs Claude Belzile et André Rochon de l’Institut des sciences de la mer de l’Université du Québec à Rimouski, à Patrice Fortier de la Société des plantes du Kamouraska, à TOPO, centre de création numérique et à Culture Bas-Saint-Laurent.
Notre monde est un fait végétal
avant d’être un fait animal.
Emanuele Coccia, La Vie des plantes
Semer est la plus ancienne forme de collaboration entre l’humain et la nature.
Le livre des symboles, Tashen
Vue de l'exposition Saisir l'imperceptible au Musée Régional de Rimouski, hiver 2022.
Ève De Garie-Lamanque, conservatrice
Le mur de portraits de semences.
Impression sur papier coton.
La cohabitation du réel et des microstructures numériques. Impression sur papier de riz
Fantasmagorie de semences potagères
Impression jet d’encre sur polyester autocollant
Détail, bande du haut séquence du salsifis et bande du bas séquence de l'oignon
Fantasmagorie de semences potagères, 2021
Vidéo format MP4 de 11 minutes
Semence d’épinard, 2021
Impression jet d’encre sur papier de riz
Détail d'une semence de salsifis, 2019
Impression jet d’encre sur papier coton
Semence de tomate, 2019
Impression jet d’encre sur papier coton
Oignon, 2019
Impression jet d’encre sur papier coton
Détail de la graine d'oignon, 2021
Impression jet d’encre sur papier coton
Graine de navet, 2021
Impression sur papier coton
Pois cosmiques, 2020
Impression jet d’encre sur papier coton
« En révélant l’infiniment petit et en nous confrontant à la puissante force vitale émanant des semences et des plantules représentées, Forest nous incite à repenser notre rapport au monde et, plus particulièrement, à la complexe relation que nous entretenons avec le monde végétal. » Ève De Garie-Lamanque
Graine d'oignon, 2021
Impression jet d’encre sur papier coton
Graine de betterave, 2019
Impression sur papier coton
Graine de tomate, 2021
Impression sur papier coton
Graine de chou, 2021
Impression jet d’encre sur papier coton
Graine de salsifis, 2021
Impression jet d’encre sur papier coton
Mes travaux des dernières années en numérisation directe ont pris une nouvelle avenue lorsqu’en explorant l’agrandissement démesuré de photographies numériques de végétaux – je parle ici d’un procédé technique qui me permet d’agrandir jusqu’à 2000 fois et plus – je suis arrivée à dématérialiser la représentation du sujet pour atteindre ce que j’ai nommé, les microstructures numériques de l’image.
La microstructure est une structure à l’intérieur d’une structure plus grande. De ce fait, cette petite portion surdimensionnée de l’image nous révèle la composition graphique des pixels : leurs dispositions, les couleurs et les formes qui la composent. Chaque image possède un motif singulier et celui-ci se transforme selon le degré d’agrandissement. Dans cette recherche, les technologies de l’image m’ont servi de microscope. Ces microstructures numériques m’ont étonnée – même dans l’abstraction – elles possèdent une puissance évocatrice surprenante qui, amalgamées à la photographie réaliste du sujet, nous éloignent complètement des représentations conventionnelles des végétaux.
Cette découverte dans le monde « caché » du numérique a stimulé mon imaginaire et surtout mon désir de pousser mes recherches vers la microscopie scientifique. C’est dans l’univers des semences potagères que j’ai axé ma recherche pour explorer les microstructures réelles de celles-ci et en produire des photographies numérique. C’est à partir de cette matière numérique que j’ai poursuivi ma recherche sur les microstructures numériques. Ici, les microstructures révèlent leurs microstructures numériques. . Avec leur style psychédélique, un copain les a nommé « pixeldélique » terme que j’ai tout de suite adopté.
Graines de salsifis pixeldéliques, 2021
Impression jet d’encre sur papier coton
Graines de chou pixeldéliques, 2021
Impression jet d’encre sur papier coton
Graine d'oignon pixeldéliques, 2021
Impression jet d’encre sur papier coton
Graine d'épinard pixeldélique , 2020
Impression jet d’encre sur papier coton
Graine de carotte pixeldélique, 2021
Impression jet d’encre sur papier coton
Graine de navet pixeldélique, 2021
Impression jet d’encre sur papier coton
Dans cette recherche, j'ai établi un protocole pour la germination de ces mêmes graines et je les ai photographiés avec le numériseur.
Dans l'ordre : laitue, laitue, laitue, courge, haricot, arroche, chou, courge, tomate, chou, betterave, haricot, maïs, oignon, pois et salsifis.
Graine de courge, 2020
Impression jet d’encre sur papier coton
Graine de maïs, 2021
Impression jet d’encre sur papier coton
Graine de betterave germée, 2021
Impression jet d’encre sur papier coton
https://drive.google.com/file/d/1PlsEcZ3TvZ6oPeOcIM2v36l3zDvdUKHv/view?usp=sharing
Cette vidéo photographique est une animation en 3 actes de trois semences potagères.
La séquence d’image se déroule comme suit : La semence apparaît en noir et blanc, captée par le microscope électronique à balayage, on rentre à l’intérieur de sa structure en s’en rapprochant de plus en plus, ensuite il y a fusion avec la version au microscope binoculaire. Divers aspects de celle-ci se déploient devant nous jusqu’à ce que la pixélisation apparaisse et devienne de plus en plus présente.
Tout à coup, le germe pixeldélique apparaît et il disparaît en laissant place au germe réel.
Je t’ai trouvée allongée sur la terre, les vestiges de ta vie à tes côtés.
Tu étais là, minuscule, presque invisible, privée d’eau, gorgée de soleil.
Je t’ai recueillie et j’ai voulu apprendre de ton corps.
Je t’ai observée, scrutée, changée.
Et puis, j’ai rêvé à cette fantasmagorie,
où tel un fantôme venu du cosmos, tu flottais, transformée,
habillée tantôt de mille couleurs, tantôt de noir.
Fascinée, je découvrais ton monde secret.
Une organisation minutieuse, complexe, intelligente,
venue de la nuit des temps.
Et puis, les données devenaient partielles, tout s’atténuait,
ne restaient que des couleurs, des signes, des symboles,
comme une trace fossile et tu disparaissais.
Au matin, je t’ai déposée sur la terre et t’en ai recouvert.
Bien plus tard, j’ai vu la vie apparaître à nouveau.
En fait, ta vie ne s’arrêtait pas à ton aspect matériel du moment.
Tu étais un devenir, un destin, un cycle.
Et ce cycle fécond se poursuit, fluide, éternel,
indissociable du ciel et de la terre.
Tu es semence, spermaphyte, graine, capsule de vie.
Fernande Forest, 2020
Microstructure d'une graine de salsifis, 2021
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